Progrès ? Danger ? RAS ?

Progrès ? Danger ? RAS ?
L'intelligence artificielle est déjà intégrée dans la production de contenus médiatiques variés et son impact sur le monde de l'édition ne cesse de s'étendre. Mais c'est dans le domaine de la traduction que son intégration soulève des questions particulières. Alors que certains prédisaient la fin de la traduction humaine au profit des machines, la réalité se révèle plus complexe.

Il y a presque deux ans, j'ai eu l'occasion de déjeuner avec un traducteur reconnu, célèbre notamment pour traduire tous les livres de Stephen King en français. Il m'avait partagé une réalité du terrain : de nombreux jeunes traducteurs se voient désormais proposer principalement des missions de post-édition de textes pré-traduits par l'IA. Contre toute attente, cette tâche s'avère souvent plus chronophage que de réaliser une traduction directe. Loin de simplifier le travail, l'IA peut introduire des erreurs, une perte de sens. Bref, rendre le travail plus compliqué qu’il ne l’était avant son intervention.

Une étude suisse récente, menée par la traductrice Anita Rochedy et initiée lors du Symposium des traducteurs et traductrices suisses, confirme ces observations. Elle révèle que la post-édition automatisée n'est pas aussi efficace que prévu. Un quart des traducteurs interrogés ont expérimenté cette nouvelle approche, souvent à la demande des éditeurs, et les résultats sont mitigés.

Par ailleurs, ce traducteur m'avait expliqué l'importance du « ton » spécifique de Stephen King pour ses lecteurs français, une nuance que l'IA peine encore à saisir sur des centaines de pages. Préserver la voix unique d'un auteur dans une autre langue est un art délicat, qui requiert une sensibilité et une créativité humaines que les technologies actuelles ne peuvent pleinement reproduire.

Ces éléments nous amènent à réfléchir sur la part de créativité humaine indispensable, même dans un contexte d'automatisation croissante. Alors que l'IA continue d'évoluer, elle soulève des questions fondamentales sur le rôle et l'avenir des professionnels de la traduction. Il semble que, plutôt que de remplacer les traducteurs, l'IA devrait être envisagée comme un outil pour compléter et enrichir leur travail, tout en tenant compte des limites inhérentes à son application dans des domaines aussi subtils que la littérature.

La semaine dernière, le 23 avril, lors d'une journée spéciale à l'UNESCO intitulée « Intelligence artificielle & édition : Entre promesses futuristes et défis actuels », ces questions ont été au cœur des débats. Ce rassemblement mondial a souligné le rôle essentiel des auteurs face aux risques que cette nouvelle ère technologique impose à la création littéraire. Les discussions ont révélé une certaine inquiétude quant à l'intégration de l'IA dans l'édition, un domaine encore perçu comme le « Far West » technologique où beaucoup restent à explorer et à réguler.

Cet environnement incertain était également palpable au Festival du Livre de Paris, où l'IA était un sujet brûlant de discussion. Plusieurs romanciers exprimaient leurs doutes sur l'émotion que pourrait susciter une œuvre produite en quelques minutes par l'IA, même si celle-ci imitait parfaitement un auteur comme Proust. Cette réflexion souligne les inquiétudes profondes que l'IA suscite parmi les auteurs, les traducteurs, et les éditeurs, tous réunis pour débattre de son impact sur leur travail et la créativité.

Vous pouvez avoir le sentiment d’un sujet tarte à la crème, mais il s’agit des futures fictions et non-fictions que vont lire nos enfants. Ils seront peut-être la première génération à lire plus d’ouvrages écrits par des machines que par des humains !

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